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Le Droit à la déconnexion numérique

La récente sortie du film d’animation Pixar « Del Revés 2 » (ou « Vice-Versa 2 » en France) a placé au centre du débat la façon dont notre style de vie affecte notre santé mentale. La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ainsi que le repos effectif sont des éléments clés à prendre en compte afin de se maintenir en bonne santé, tant physique que mentale.

La prolifération du télétravail a instauré dans tous les secteurs des politiques croissantes de numérisation de l’activité professionnelle. Dès lors, il est rare de rencontrer des professions ou des secteurs qui développent une modalité 100% présentielle. Les dispositifs numériques – ordinateurs, tablettes ou smartphones – sont passés d’outils de travail simples à des extensions du bureau physique et, par conséquent, de la connexion entre l’employeur et le travailleur. Cependant, les facilités de connexion ont un revers de médaille, qui est précisément la difficulté de se déconnecter réellement du domaine professionnel.

C’est pourquoi tant la réglementation européenne que nationale a régulé l’utilisation appropriée des moyens numériques en dehors des heures de travail.

En Espagne, bien que la matière législative sur la déconnexion numérique puisse sembler très actuelle – surtout avec l’essor du télétravail depuis la pandémie de COVID-19 -, le droit à la déconnexion informatique n’est pas né avec la Ley Orgánica 3/2018 du 5 décembre sur la protection des données personnelles et la garantie des droits numériques. En effet, il était déjà reconnu à l’article 18.4 de la Constitution Espagnole : « La loi limitera l’usage de l’informatique pour garantir l’honneur et l’intimité personnelle et familiale des citoyens et le plein exercice de leurs droits« .

Le droit à la déconnexion numérique, un droit multifactoriel

Pour parler de déconnexion, il est nécessaire de définir, dans un premier temps, où se trouve la différence entre le temps de travail et le temps de repos. Principalement dans les travaux à distance, on pourrait conclure que le temps de connexion serait “temps de travail”. Ceci en vertu de la doctrine de la Cour de justice de l’Union européenne, qui comprend que l’élément déterminant pour définir le “temps de travail” est l’obligation du travailleur de rester à la disposition de l’employeur pour fournir ses services.

L’article 88 de la Ley Orgánica 3/2018, bien que ne s’approfondissant pas dans le développement du droit, détermine trois piliers clés qui doivent être respectés pour parler d’une déconnexion numérique effective :

1. Le droit du travailleur de ne pas répondre aux communications reçues de l’employeur ou de tiers, pendant le temps de repos.

2. Le devoir d’abstention de l’entreprise de ne pas contacter le travailleur.

3. La répartition objective de la charge de travail.

Ce droit à la déconnexion est également lié au devoir d’abstention de l’entreprise, en ce qui concerne l’omission de communications de la part de l’employeur.

Comment garantir le droit à la déconnexion numérique : politiques internes et formation

Élaborer un protocole de déconnexion numérique est une obligation prévue par la Ley Orgánica 3/2018 et, comme toute obligation, son non-respect peut entraîner la possibilité d’imposition de sanctions économiques élevées.

Il est ainsi recommandé que ce protocole soit rédigé en consensus avec la représentation légale des travailleurs, en accord avec l’employeur sur les modalités d’exercice du droit à la déconnexion.

Quant à son contenu, il doit inclure le cadre légal dans lequel ce droit est inscrit – l’article 18 de la Constitution espagnole, l’article 20 du Estatuto de los Trabajadores et l’article 88 de la Ley Orgánica 3/2018, entre autres – ; la manière d’exercer ce droit – c’est-à-dire, le droit du travailleur de ne pas répondre aux canaux numériques habilités pour le travail pendant son temps de repos et l’obligation de l’employeur de ne pas communiquer avec le travailleur durant cette période – ; les horaires de la journée de travail et la délimitation de la disponibilité en dehors des heures de travail.

Les protocoles de déconnexion numérique, tout comme ceux destinés à la prévention du harcèlement au travail, doivent être accompagnés de formation relative à l’importance de délimiter l’utilisation des dispositifs électroniques et aux bénéfices du repos et de la déconnexion, afin d’éviter les risques de fatigue informatique et d’ultérieures maladies psychologiques et physiques.

Le stress et l’anxiété sont des maladies psychologiques de plus en plus présentes dans notre réalité et qui, souvent, naissent du manque de temps de qualité et de repos dû à l’hyperdigitalisation et à la surproduction. Le manque de régulation et de protection des travailleurs dans ce domaine affecte également négativement les entreprises, provoquant des taux élevés d’absentéisme, d’abandon et de rotation, majoritairement associés aux problèmes de santé mentale.

C’est pourquoi il est important d’élaborer des politiques de travail permettant aux travailleurs de profiter de leurs temps de repos et de concilier leur vie personnelle et familiale.

Isabel Merino Pérez, avocate de Linkia Legal